Les artistes ne meurent jamais. Ferrat en particulier dont le chant résonne encore et encore, dans cette période où en groupe, en ligue, en procession, les gens « ordinaires » qu’il aimait défendent leur pays en sous-France au règne de Sourdkozy 1er. Intitulé opportunément Un jour futur, le disque live de Natacha Ezdra conjugue détermination, sensibilité et espoir, dans l’esprit de son ami Jean qu’elle a côtoyé dès l’enfance.
Fille d’Odile Ezdra et de Jacques Boyer, fidèles compagnons de route, de scène et d’amitié du chanteur, Natacha sort son troisième album. En 2000, dans À force de me promener, elle saluait en finesse une chanteuse belge trop tôt disparue, Andrée Simons ; six ans plus tard, dans Des bouts de moi, elle ajoutait à son talent d’interprète (Gilles Vigneault, Anne Sylvestre, Allain Leprest…) un prometteur envol d’écriture personnelle, plus intime.
L’idée du spectacle Un jour futur, qu’elle a créé en décembre 2009 à Antraigues (la commune d’Ardèche où vivait Ferrat), Natacha Ezdra y pensait depuis près de dix ans, depuis la soirée de la « Fête à Jean Ferrat » organisée par le festival « Chansons de Parole » de Barjac, où elle a repris La Matinée en duo avec Allain Leprest : « Là, je me suis dit : “Il faut que je monte un spectacle consacré à Jean !” Mais je n’osais pas, de la même manière que je n’ai pratiquement pas de photos avec lui… Si j’ai mis aussi longtemps, c’est sans doute à la fois par une espèce de pudeur et parce qu’il s’agit d’un rendez-vous que je ne voulais absolument pas manquer. J’avais peut-être besoin d’une certaine maturité dans la chanson, de cheminer personnellement, d’expérimenter d’abord des choses. […] Mon père et moi, nous en avions déjà parlé avec Jean il y a plusieurs années, et il avait dit : “Formidable”. Et puis, l’an dernier, quand on lui a demandé son accord final, il m’a donné carte blanche. En décembre dernier, juste avant la résidence de création, je suis allée le voir avec le dossier de presse et ses deux portraits qui sont sur scène ; il les a regardés très attentivement et il a dit : “Oui, bien sûr, il n’y a pas de problème.” Ça a été fabuleux, parce qu’il a tout rendu possible ! » Ces propos proviennent de la biographie de Jean Ferrat que je viens de publier chez Fayard, « Je ne chante pas pour passer le temps », un titre qu’elle revisite d’ailleurs formidablement.
Natacha Ezdra – Je ne chante pas pour passer le temps
Dans l’album soigné du A jusqu’au Z d’Ezdra, pochette et livret compris (Édito Musiques / rue stendhal) Natacha reprend dix-huit chansons de Jean Ferrat, de J’entends j’entends à La Montagne (chantée avec le public) en compagnie de trois musiciens (Patrick Reboud, accordéon ; Dominique Dumont, guitares ; Christophe Sacchettini, fluttes à bec, cornemuse, psaltérion…) qui y mettent volontiers du chœur, dans des arrangements qui savent marier invention et respect, à l’image de Nuit et brouillard. Voix grave et chaleureuse, fibre de femme debout, la chanteuse y alterne couplets citoyens et poésie (Camarade, Ma France, aux côtés de Tu es venu, Aimer à perdre la raison, Les Oiseaux déguisés…), entre Ferrat lui-même, Aragon ou Henri Gougaud, l’auteur de la chanson-titre, Un jour futur, dans cette vidéo perso captée à L’Européen (Paris) le 2 mai dernier. (CQTC).