C’est une invitation aux voyages chansonnier et poétique, du genre « Pousse la page et viens prendre un vers ! », que propose Rémo Gary à travers cet ouvrage hors norme, ce livre aux feuilles qu’on découpe à l’ancienne*. Une espèce d’auberge espagnole entre clin d’œil à un Ponchon méconnu, prose et rimes d’amis divers, de collègues et de parents, le tout accompagné d’un CD de dix-neuf chansons interprétées par Rémo. Un bel objet culturel à prendre le temps de goûter.
Photo : Claudie Pantchenko
En 1983, Rémi Garraud autoproduit un premier 30 cm intitulé Archives. L’humour est déjà là. La poésie aussi. Nécessaires, sinon utiles, pour l’éducateur de rue de la région de Bourg-en-Bresse qui « bascule » vers 1988 dans la chanson et opte pour le pseudo que ses copains lui ont donné par « blague » : Rémo Gary. Après pas mal de pérégrinations scéniques et deux autres enregistrements d’apprentissage, paraît L’Appel du petit large en 1996, date à partir de laquelle il va sortir un album tous les deux-trois ans. En 2007, c’est Même pas foutus d’être heureux, un double CD déjà en forme de livre, moitié sur des textes de Rémo, moitié sur des poèmes de Jean Richepin.
Cinq ans et deux livres-CD plus tard (La lune entre les dents en 2010 et Jeter l’encre en 2011, à l’intention du « jeune public »), Richepin - dont le chanteur possède « trente ou quarante bouquins » - parraine en quelque sorte ici son ami Raoul Ponchon, poète qui a beaucoup chanté le vin, tous deux étant « un peu » présents parmi la quarantaine d’intervenants. En vers de toutes sortes comme en prose un brin plus sérieuse, Rémo Gary ayant convié à plancher sur : « Est-ce que cet objet artistique nommé chanson, peut servir aujourd’hui à un peu d’émancipation ? Et comment ? » Jacques Bertin, Hélène Martin, Dominique Grange, Patrick Piquet, Michel Bühler, Stéphane Hirschi, Floréal Melgar, Francesca Solleville… ont répondu à leur façon.
Si la famille Garraud est également présente dans ce livre (Jeanne, Luc, Élise), un auteur m’est particu- lièrement cher, mon frère Serge Pantchenko (avec lequel j’ai concocté – dans une autre vie – plusieurs dizaines de chansons, et si ça vous amuse, c’est par là) qui s’est joyeusement astreint à « répliquer » aux mains et aux doigts des Pieds de singe de son hôte par une Chanson pour mes pieds :
Pour fair' son bonhomm' de chemin
On peut pas compter sur ses mains
Un seul organe approprié
Le pied
Si je peux donner mon avis
C’est une base dans la vie
Et tous les rampants nous l’envient
Cet exercice de style en trente-huit strophes s’achevant ainsi :
Qu’on soit chanteur, qu’on soit notaire
On finira six pieds sous terre
Qu'on soit cador, qu'on soit piétaill'
Détail
Et pas besoin d’être savant
Pour savoir quel que soit le vent
Qu’on partira les pieds devant
Depuis, le Toulousain Hervé Suhubiette s’est pris à son tour au jeu et a mis en musique ces couplets... CQTC.