Au cœur et autour de la chanson francophone, encore si méprisée des gens de pouvoir et de médias, alors qu'elle est vivante comme jamais au quotidien et dans l'Histoire en marche...
Allez, c’est la rentrée. En particulier sur ce blog, où je n’ai pas écrit depuis six mois, because deux raisons principales dont je parlerai une prochaine fois. Pour l’heure, place à trois disques qui viennent de sortir, ceux de Clémence Savelli, de François Morel et de Michèle Bernard.
Clémence Savelli chante depuis dix ans. Accompagnée jusqu’en 2014 par le pianiste et compositeur Pascal Pistone (avec lequel elle a enregistré quatre albums, dont Le Cri en 2012), elle a alors conçu, mis en scène et interprété seule en piano-voix, le spectacle Cendrillon deviendra grande. Pour Le Cœur comme une bombe (éditions BeDooWap) dont elle signe l’intégralité des quatorze titres, elle a fait appel à Jean-Louis Beydon (complice historique d’Allain Leprest) et à l’accordéonniste Patrick Brugalières (lui, c’est Gréco, Lio, Reggiani, Béart, Macias…) pour les arrangements.
Dans ce disque en noir et blanc aux très belles photos, Clémence Savelli témoigne et vibre – directement ou non - à la première personne, des injustices et des douleurs du monde. « Comme toujours de noir sapée / Je fais ma blonde un peu perdue », se résume-t-elle instantanément dans Le Début de la fin où elle lit l’avenir à son plus sombre. À sa fibre éruptive passée, à son cri viscéral façon Ferré des années Et… Basta !, elle privilégie désormais le chant modulé, la mélodie. Certes, elle casse encore pas mal « la gueule »(« au néant », « au cafard », « à la p’tite semaine »), elle chante les réfugiés, le droit des femmes, les handicapés, les attentats… un brin au troisième degré et l’humour n’incarne toujours pas la politesse de ses désespoirs, de son mal-être de maman séparée (Mon tour d’amour). Paciencia !..., lançait justement le Père Léo et elle sait que « la route sera longue ». Mais après s’être demandée « Où j’étais passée ? », ne nous quitte-t-elle pas sur un prometteur « Je repars, je repars » ? À suivre donc.
François Morel a d’abord figuré un savoureux personnage des Deschiens, avec la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Passionné de chanson depuis l’enfance, il l’aborde professionnellement, lui aussi, en 2006. Le disque s’intitule Collection particulière et dans ma chronique de Chorus, je note alors : « S’il chante [… ] avec justesse et efficacité, François Morel reste cependant un acteur au service des textes denses, à la fois classiques et plein de trouvailles… ». Ce qui frappe d’emblée aujourd’hui, c’est que sans avoir renoncé à quoi que ce soit*, il est devenu un chanteur à part entière dont le morceau introductif éponyme - La Vie (titre provisoire) - nous rappelle illico en douceur notre place et a tout pour toucher un large public (Jive Epic / Sony Music).
Oui, il y a ici comme une évidence, une plume légère et virevoltante qui raconte, confie, saisit de petits ou de grands moments d’humanité. François Morel signe la plupart des textes et son compère Antoine Sahler (claviers) la plupart des musiques et les arrangements. Leur osmose est parfaite, ils nous offrent de savoureux Trucs inutiles en duo, Louis Chedid se prêtant au jeu dans C’est encore long l’enfance ? et Anouk Aïata dans Amalia. Humour naturel au cœur, Morel trouve avec grâce les angles (Celui qui), pousse le Striptease jusqu’au dentier voire pire, nous invite Au cinéma façon Vian, s’avoue « déçu » par le Petit Jésus (« Je t'évoque à Noël, à Pâques / Mais je n’attends plus ton come back »), n’oublie jamais ce que nous devons aux femmes et prend congé** avec une « putain » de classe : « Pardon, y’a pas plus chic qu’une chanson populaire ! »
Michèle Bernard, de son côté, a enregistré dès 1982 Les Chanteuses populaires. C’est dire si cet héritage, cette culture, lui collaient au cœur et au corps, accordéon à l’appui. Aujourd’hui, après cinq vinyles, seize CD dont cinq salués par le Prix Charles-Cros et une anthologie récente de cinquante-sept titres (Sur l’infini des routes), elle nous offre une nouvelle galette de quatorze titres qu'elle a pratiquement tous écrits et composés, Tout’s Manières..., son premier disque pour adultes inédit depuis dix ans…
Comme Clémence et François, c’est l’impératif « aimons-nous […] serrons-nous plus fort » que conjugue Michèle Bernard d’entrée de jeu, puisque « On n’est qu’des pirouettes / Entre deux fossés / Tout’s manières ». Avec sa voix non lisse, partageuse de révoltes et de générosité, en compagnie d’une belle équipe musicale acoustique (direction : Pascal Berne) et des chœurs de l’ensemble Évasion, elle a - de fait - le « chic » pour accoucher l’émotion du quotidien. C’est le souvenir de la douceur des Savons d’Alep (qu’elle sous-titre Pavane pour une Syrie défunte), c’est celui de la mise en « P’tites boîtes » d’une société dénoncée déjà par Graeme Allwright et qui perdure, ou encore ces Chewing gums, mâchés et jetés dans le caniveau, « Ces soucis qu’on rumine / Ces désirs fanés […] La trace des hommes / Une fois envolées / Leurs vies à la gomme ». Ce sont aussi des portraits d’amis, telle la formidable Madame Anne (en duo avec Anne Sylvestre) son antidote au désespoir, l’accordéoniste Jean Pacalet ou la comédienne Michèle Guiguon aujourd’hui disparus, sans oublier une Yvette qui n’en est pas loin et goûte peu notre époque numérisée où – bye bye Descartes – s’incruste chaque jour davantage le « Je dé-pense donc je clique. » Bref, un constat moins doux qu’amer, même si l’infatigable Michèle clôt l’ensemble*** sur une très symbolique Valse de la vie (EPM/Universal). CQTC.
* Notamment son « billet » pas triste sur France Inter, chaque vendredi à 8h55.
** L’album comporte douze titres, mais il en existe une « version Deluxe » avec six chansons supplémentaires plus souriantes paraît-il, parce que « pensées pour la scène ». Mis en scène par Juliette, le spectacle est présenté à Paris depuis le 4 octobre au Théâtre du Rond-Point et pour 28 représentations jusqu'au 6 novembre.
*** Sa tournée passera les 17 et 18 octobre au Café de la Danse, Paris 11e (en première partie, Elsa Gelly).
Cette chanteuse a de quoi retenir l’attention vu ses textes. J’apprécie le fait qu’elle ne dise pas des choses pour plaire, mais qu’elle dénonce quelque peu les injustices et les douleurs du monde.
Je ne connaissais pas Clémence Savelli avant de tomber sur votre blog. J’ai même effectué quelques recherches à propos de cette chanteuse et je peux vous dire qu’elle est très talentueuse.