Au cœur et autour de la chanson francophone, encore si méprisée des gens de pouvoir et de médias, alors qu'elle est vivante comme jamais au quotidien et dans l'Histoire en marche...
Natacha Ezdra, tu m’as encore fait chialer ! Et pas que moi. Hier, dans cette grande salle du Palais des Congrès de Bordeaux, ce n’était pas gagné d’avance, même si sept ans après, Jean Ferrat reste par nature dans le cœur et la mémoire des retraités CGT qui t’accueillaient.
Ceux-là avaient planché toute la journée et tu n’avais pas vraiment eu le temps de répéter. Si le son en a quelque peu souffert durant les trois premiers morceaux, l’émotion a vite pris le dessus. Pourquoi ? Parce que, des chansons peu connues (jusqu’à la toute dernière, Les Artistes, créée par ta maman, Odile) aux succès poétiques ou citoyens (Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi ?, Camarade, Ma France…) en passant par la version originale de Mon vieux (là, en clin d’œil à ton interprète de père, Jacques Boyer), tout s’enchaîne en finesse. À la différence d’autres mieux en cour médiatique, tu n’en rajoutes pas, tu ne racoles pas. Entre de courtes séquences où la voix du comédien Pierre Margot dit dans ce même esprit des extraits poétiques de Ferrat ou d’Aragon – sur de saisissantes images panoramiques d’Antraigues –, tu déroules ton fil. Tu recrées, tu réinventes, tu revisites en osmose totale avec le jeu d’Yves Perrin aux guitares, du percu-flutiste-cornemuseux aux bras-nus Christophe Sacchettini et de l’accordéoniste Patrick Reboud à la direction musicale. Beau travail, les gars ! Vous vous êtes permis des changements de rythmes ici, des couleurs nouvelles là, mais pourquoi n’y avait-on pas pensé avant ? Arrive Nuit et brouillard. J’étais déjà bien secoué, ma voisine que j’aime pleure à son tour et Un jour, un jour, qui suit, requiert de nouveaux mouchoirs. Bref, au final, toute la salle est debout. Créé en décembre 2009 devant Jean Ferrat lui-même, ce spectacle s’est bonifié comme un de ces crus de pays qu’il chérissait et, du coup, son interprète aussi. Natacha, tant pis si tu nous fais encore chialer, mais n’arrête jamais de chanter ! CQTC.