Au cœur et autour de la chanson francophone, encore si méprisée des gens de pouvoir et de médias, alors qu'elle est vivante comme jamais au quotidien et dans l'Histoire en marche...
Hier, dimanche 11 septembre, les média (service public en tête) ont réservé une place omniprésente au 10e anniversaire des attentats de New York. Sans nier une seconde le caractère tragique de l'événement (déjà, ses milliers de morts et de blessés) et son impact international, force est de constater que plus encore que les années passées, l’éclairage extrême de cette tragédie de 2001 tend à occulter – notamment aux yeux des jeunes générations - celle du 11 septembre 1973, au Chili.
Du Palais de la Moneda aux Tours jumelles
Comme s’il y avait deux poids - deux mesures, des victimes plus respectables, plus humaines que d’autres, et une mémoire sélective capable d’oublier que dans les deux cas - de Ben Laden à Pinochet - les services secrets américains ont largement été à l’ouvrage dès l’origine. « Oussama ben Laden est un pur produit des services américains », rappelait ainsi en 1999 Richard Labévière dans Les dollars de la terreur - Les Etats-Unis et les islamistes (Editions Grasset), rappel repris dans un article de la Tribune de Genève du 2 septembre dernier.
C’était aussi la première fois, nous répète-t-on, que les Américains étaient frappés sur leur sol ; il est vrai qu’ils avaient plutôt l’habitude de porter le fer et le feu ailleurs, comme le rappelle Chante une femme (1968, paroles de Martine Merri) du trop méconnu Jean Arnulf disparu en mars 2007.
À propos du coup d’État au Chili, l’écrivain Gabriel García Márquez a écrit un texte dense dont voici trois courts extraits explicites (traduction de l'espagnol : Gil B. Lahout, pour RISAL, copyleft, mai 2003 – Texte complet ici) : « Nous sommes à la fin 1969. Trois généraux du Pentagone reçoivent à dîner quatre militaires chiliens dans une villa de la banlieue de Washington […] Au dessert, un des généraux du Pentagone demande ce que ferait l'Armée chilienne si le candidat de la gauche, Salvador Allende, gagnait les élections. Le général Toro Mazote répond alors : « Nous prendrons le Palais de la Monnaie en une demi-heure, même s'il nous faut l'incendier !
[…] Ce dîner historique fut en fait le premier contact du Pentagone avec des officiers des quatre armes des forces armées chiliennes. Lors des réunions qui suivirent, tant à Washington qu'à Santiago, l'accord final fut scellé : les militaires chiliens plus proches de l'âme et des intérêts des États-Unis prendraient le pouvoir si l'Unité populaire venait à gagner les élections. Cette opération fut planifiée de sang froid, telle une simple manœuvre de guerre, sans tenir compte des conditions réelles du Chili.
[…] Il ne restera au Chili aucune trace des conditions politiques et sociales qui ont rendu possible l'Unité populaire. Quatre mois après le putsch, le bilan était atroce : près de 20 000 personnes assassinées, 30 000 prisonniers politiques soumis à de sauvages tortures, 25 000 étudiants expulsés et plus de 200 000 ouvriers licenciés. Mais le plus dur n'était pas encore arrivé. »
Histoire de terminer quand même par une chanson, sans concession ni polémique autour de la mémoire, qu’imaginer de mieux que ce joyau d’humanité et de poésie signé Léo Ferré que je me suis permis de détourner pour donner un titre à cette chronique ? CQTC.