Allain Leprest aurait sans doute pu chanter cette « haine » comme il a chanté Je hais les gosses. Au « second degré », il va de soi, vous le constaterez dans la version maison qui réjouit ce troisième épisode de la série LDLM, laquelle troque exception- nellement le M de « micro » contre celui de « musée », voire de « Médoc », puisque les jeudi 15 et vendredi 16 janvier s’est tenu au Musée d’Aquitaine de Bordeaux un colloque en hommage à son irrévérent auteur.
«Intitulé « Quand auront fondu les banquises », ledit colloque était organisé par des universitaires bordelais (Pascal Pistone et Julie Mansion-Vaquié) et valenciennois (Stéphane Hirschi), tous fous de chansons qui ont créé des cursus diplômants et auxquels s’était acoquinée une homologue parisienne (Cécile Prévost-Thomas) pour animer les séances. Ainsi, jeudi après-midi, le jeune universitaire rennais Fabien Rouan a planché sur la découpe des couplets d'Allain, Michel Trihoreau (ancien journaliste de Chorus et collaborateur du site Nos enchanteurs) sur « l'espace vécu » (les régions, villes et pays qui habitent ses chansons), Didier Pascalis a raconté sa découverte d'Allain et son parcours de producteur à ses côtés et aujourd'hui encore, extrait de l’émouvant DVD d’entretien avec Jean-Louis Foulquier à l’appui. Comme on déplorait l’absence de divers intervenants annoncés*, j'ai proposé de lire en le commentant au passage Menuisier de mots volés (article de trois pages portant sur « l'œuvre » au cœur du dossier paru à l'automne 2002 dans le n°41 de Chorus), avant de participer à une très jolie « table ronde » (sans table) avec des artistes et amis historiques d’Allain : Francesca Solleville, Gérard Pierron et le pianiste Jean-Louis Beydon.
Avec Jean-Louis, Francesca et Gérard (photos : Pascal Pistone)
Pour illustrer de façon symbolique cet après-midi d'unis vers Cythère (comme l'aurait à coup sûr - au moins - pensé Leprest), des élèves du Collège Émile-Combes reprenaient C'est peut-être, sous la direction bienveillante de leur prof Yolande Barbier. En soirée, sur la scène intime des Lectures Aléatoires, le concert se poursuivait avec des étudiants de la Licence « Chanson d’expression française, Jazz et Musiques actuelles » de l’Université de Bordeaux-Montaigne. Pour autant, aucun n'interprétait cette chanson gamine que son auteur-compositeur avait risquée - et commentée - à ma demande, devant les sales gosses des ACP (Ateliers Chanson de Paris) en février 1987, avec Bertrand Lemarchand à l'accordéon...
Succédaient aux étudiants émérites des invités nommés Yann Denis, Clémence Savelli, Céline Pruvost et Guillaume Allardi (du groupe Metamek, avec l’accordéonniste Armelle Dousset), la plupart accompagnés au piano par Jean-Louis Beydon, Julie Leroux et l’infatigable Pascal Pistone, ainsi qu’aux percussions par Jean-Luc Bernard. Puis, cerises sur le gâteau, Francesca Solleville, Gérard Pierron et Françoise Kucheida interprétaient respectivement Les p’tits enfants d’verre, Good bye Gagarine, Combien ça coûte et quelques autres merveilles… Le tout composant une soirée certes contrastée (Leprest, c'est dense, surcharge s'abstenir), mais d'abord émouvante et conviviale.
Très dense, la matinée du lendemain allait se terminer vers 14h. Ponctuées de documents et d’extraits sonores (François Lemonnier, le complice d’Allain pour l’opus Parol’ de manchot de 2008 prenant même sa guitare, chansons-cadeaux à la clé), les communications analysaient d’abord les « collaborations et héritages », des débuts avec le compositeur-chanteur Didier Dégremont selon le journaliste Nicolas Brulebois**, suivi du témoignage panoramique « Chante toujours Leprest » de Cécile Prévost-Thomas. Quatre autres universitaires détaillaient alors ce qui touche et fait mouche chez Leprest : la Picarde Céline Pruvost (appréciée sur scène la veille) multipliait les citations façon « Lepresque », le Toulousain Jean-Pierre Zubiate cernait sa « dynamique de l’éraillement », Pascal Pistone résumait ce qu’il appelle « justesse et tonalité dans la chanson à texte » et Stéphane Hirschi soulignait la dimension poignante de l’auteur-interprète. Résultat des courses : un riche colloque à la fois très universitaire et (Alla)informel, dont la publication prochaine des actes est d’ores et déjà attendue de pied ferme. CQTC.
Chanson de l'album éponyme de 2008 (musique : Romain Didier)
* Notamment de Claude Lemesle (à l'enterrement de Wolinski) et de Norbert Gabriel, (à cause d'un problème de transports parisiens) dont le thème de la communication était : « L’homme qui sculptait ses chansons ».
** Auteur du livre Allain Leprest – Gens que j’aime (Jacques Flament Éditions, novembre 2014).