Pour terminer cette semaine sur Jean Ferrat (mais d’autres chansons apparaîtront bien sûr régulièrement sur ce blog), clin d’œil à l’un de ses meilleurs auteurs, Henri Gougaud, et apothéose avec Christine Sèvres, femme et chanteuse exceptionnelle avec laquelle Ferrat vécut pendant plus de vingt ans. En duo avec elle, voici donc La Matinée, paru en mars 1969 sur l’album de Ma France et Au Printemps de quoi rêvais-tu ?, sur un texte magnifique de Gougaud, qui a dit à propos de cet enregistrement : « Quand elle démarre la chanson a cappella, sa voix déjà emporte tout ! » (La vidéo est extraite de l’émission Discorama de l’irremplaçable Denise Glaser, du 29 juin 1969).
Gougaud concevra le spectacle Chansons pour la ville, chansons pour la vie, pour la première partie de la dernière scène parisienne de Ferrat, en octobre 1972 au Palais des Sports ; auteur à la fibre poétique rêvant obstinément à un monde meilleur, il a commencé à travailler avec Jean après son retour de Cuba, en 1967, où il chantera Cuba si et cet Au point du jour ciselé à vers cours, où se succèdent des notations contrastées de la vie quotidienne, entre regard tendre vers la beauté de la femme « nue comme une cerise », la vie qui reprend son cours et le fil de la radio, la réalité cruelle « des bombes… dans le lointain » qui chahute la conscience.
Pour Christine Sèvres, qu’il a rencontrée en 1958 et épousée en 1961, Jean Ferrat n’écrira véritablement qu’une chanson (texte et musique), mais une pure merveille, Tu es venu. Considérée par nombre de ses pairs comme « la plus grande » dans les cabarets parisiens de la « rive gauche », Christine enregistrera cette chanson dans le disque qui aurait dû la faire « décoller », mais qui sortit au plus mauvais moment, le 10 mai 1968. « C’était difficile pour elle de trouver des chansons qui lui aillent, confiera Jean Ferrat. J’ai essayé de lui écrire quelque chose. J’ai pensé à elle, à sa vie. » Ainsi, la brisure intérieure perce dans chaque couplet (dans des vers parfois « aragoniens » où l’on croirait voir Louis écrire pour une Elsa tourmentée) et met en valeur la rencontre avec l’autre, le vrai et grand amour qui rend tout « possible ». Christine Sèvres est décédée le 1er novembre 1981. Cette vidéo en offre quelques images et suggère en partie son environnement et celui de Ferrat.