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  • : Chansons que tout cela... (CQTC)
  • : Au cœur et autour de la chanson francophone, encore si méprisée des gens de pouvoir et de médias, alors qu'elle est vivante comme jamais au quotidien et dans l'Histoire en marche...
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  • Daniel Pantchenko
  • Journaliste, surtout au trimestriel Chorus. Auteur de biographies : Charles Aznavour en 2006 (avec Marc Robine), Jean Ferrat en 2010, Anne Sylvestre en 2012, Serge Reggiani en 2014. « Léo Ferré sur le Boulevard du Crime » en 2016. Intervenant sur la chanson : formation, stage, conférences, rencontres-débats...
  • Journaliste, surtout au trimestriel Chorus. Auteur de biographies : Charles Aznavour en 2006 (avec Marc Robine), Jean Ferrat en 2010, Anne Sylvestre en 2012, Serge Reggiani en 2014. « Léo Ferré sur le Boulevard du Crime » en 2016. Intervenant sur la chanson : formation, stage, conférences, rencontres-débats...

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17 décembre 2007 1 17 /12 /décembre /2007 11:10
Points de vue, images d’immonde

Pub gratos pour le magazine people du gratin (Point de vue, ex Images du Monde), toutes les radios ne bruissent que de cela ce matin (Quelqu’un m’a dit, Quelqu’un m’a dit...), not’ bon Président s’est laissé ingénument tirer le portrait avec Carla Bruni. Nouvelle Cécilia ? C’est, dit-on, comme s’ils l’avaient communiqué. De fait, ils ont surtout connu Mickey, puisque les clichés ont été pris à Disneyland, signe fort en direction de l’administration américaine après la génuflexion caractérisée devant un colonel campeur, et clin d’œil à l’opinion publique hexagonale : not’ bon Président a un cœur, il passe instantanément du business model au top model. Décor oblige, l’idylle accouchera-t-elle d’une souris ? Les exégètes s’interrogent : si la belle enregistre chez Naïve, elle est aussi résidente monnaiegasque...


Arnulfh9cm.jpg

Autre Point de vue beaucoup plus émouvant, d’un autre couple dont on ne parlera pas. Celui de Martine Merri et Jean Arnulf. Comédien puis chanteur au répertoire contestataire voire antimilitariste, Jean a mené une courte carrière de 1963 à 1968 (avec un retour sur 30 cm en 1976 et un duo avec Hélène Martin l’année suivante), mettant essentiellement en musique des textes de sa femme Martine. Deux de ces textes, au moins, on particulièrement marqué les esprits, Point de vue précisément en 1963 (magnifiquement interprété ensuite par Christine Sèvres, la femme de Jean Ferrat) et Chante une femme (« Pour son enfant mort au Vietnam ») en 1967. Jean Arnulf est mort dans le dénuement et l’oubli quasi-total le 25 mars 2007 dans une maison de retraite du 13 arrondissement de Paris [cf. Chorus 60, p. 175], quelques semaine après que la revue Je Chante et quelques amis aient organisé une petite fête pour ses 75 ans.


Images d’immonde. Au moment où s’affiche le point de vue des people, les sans-logis crèvent de froid et le chant de Martine et Jean garde une actualité totale. CQTC.

Faudrait voir à pas mélanger
Les torchons avec les serviettes,
Le caviar et la vache enragée
Les clochards avec les starlettes

Moi j'dis qu' l'hiver a pas l' même goût
Selon comment on le regarde.
Moi j'dis qu' l'hiver a pas l' même goût
A Megève ou sous l' pont de Saint-Cloud

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12 décembre 2007 3 12 /12 /décembre /2007 16:31
Hier, c’était le 11 décembre, et dans ma tête, l'intrusion de Kadhafi m'a ramené au 11 septembre. Une date terrible. Terroriste. Qu’on associe toujours aux milliers de morts new-yorkais des tours jumelles en 2001, et c’est bien normal. Mais qu’on oublie trop souvent d’associer au coup d’État d’Augusto Pinochet au Chili, en 1973, qui allait faire beaucoup plus de victimes encore, des années durant.

Hier, c’était donc quelque part un 11 septembre, et la France accueillait en grandes pompes (funestes) le Pinochet libyen, colonel de son État, le chéquier entre les dents. Pendant qu’il tenait pognon sur rue avec not’ bon Président, une petite sous-ministre conjugua le verbe ramer au passé simple. Trop simple. Très passé.


Brua-l8cm.jpg

Hier, le 11 septembre 1973, au Chili, le chanteur Victor Jara était arrêté et emprisonné. Quatre jours plus tard, il était assassiné de façon particulièrement barbare. Dans son dense album La Trêve de l’aube (Chant du Monde, 1975), Jean-Max Brua [décédé en 1999 ; cf. Chorus 28, p. 181] lui dédie la chanson Jara et publie l’insoutenable texte qui suit, « Témoignage de Miguel Cabegas sur la mort de Victor Jara, chanteur populaire, assassiné par la Junte au stade Chile » :

« Les détenus qui n’avaient ni mangé ni bu pendant trois jours vomissaient sur les cadavres de leurs camarades étendus par terre... A un certain moment, Victor descendit près de la porte par où entraient les détenus, et là il se heurta au commandant. Celui-ci le regarde et fait le geste de celui qui joue de la guitare (Victor est un poète et un guitariste très connu)... Victor sourit tristement en faisant oui de la tête. Le militaire sourit à son tour, content de sa découverte. Il appelle quatre soldats pour immobiliser Victor et ordonne qu’on apporte une table au centre de la scène pour que tous assistent au spectacle qui allait se dérouler devant eux. On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur ta table. Dans les mains de l’officier, une hache apparut (quelques jours plus tard, ce même officier déclara à la presse étrangère : “J’ai deux beaux enfants et un foyer heureux”). D’un coup sec, il coupa les doigts de la main gauche, puis d’un autre coup, ceux de la main droite. On entendit les doigts tomber sur le sol en bois ; ils vibraient encore. Le corps de Victor s’écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif des six mille détenus. Ces douze mille yeux virent le même officier se jeter sur le corps de l’artiste en criant “Chante maintenant pour ta putain de mère” et continua à le rouer de coups. Pas un de ceux qui était là ne pourra oublier le visage de cet officier, la hache à la main, les cheveux en désordre...

Jara.jpgVictor recevait les coups de pieds alors que le sang coulait de ses mains et que son visage devenait violet. Tout d’un coup, Victor essaya péniblement de se lever et, comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, les genoux tremblants, et l’on entendit sa voix qui hurlait : “On va faire plaisir au commandant”. Après quelques instants, il réussit à se dresser et, levant ses mains dégoulinantes de sang, d’une voix angoissée, il commença  à chanter l’hymne de l’Unité populaire, que tout le monde reprit en chœur. Pendant que peu à peu six mille voix s’élevaient, Victor de ses mains mutilées, battait la mesure. On vit un sourire étrange sur son visage... C’était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant comme s’il faisait une révérence devant ses camarades. D’autres rafales partirent des mitrailleuses mais celles-ci étaient adressées à ceux qui avaient chanté avec Victor. Il y eut un véritable écroulement de corps, tombant criblés par les balles. Les cris des blessés étaient épouvantables. Mais Victor ne les entendait plus. Il était mort. »

La même année que Jean-Max Brua, le chanteur poète wallon Julos Beaucarne raconta cette sinistre exécution dans Lettre à Kissinger (Henry Kissinger, secrétaire d’Etat américain du gouvernement Nixon) et en 2004, le Suisse Michel Bühler signait Chanson pour Victor Jara, dans son album Chansons têtues (EPM). Alors quand je vois l’Histoire se vautrer en kadhafric et sarkorama, j’entend une petite voix essentielle qui me dit : « Souviens-toi des doigts de l’homme ». CQTC



Jean-Max Brua – Jara - 3’09


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7 décembre 2007 5 07 /12 /décembre /2007 11:16
Il y a cinq ans, en ouverture du dossier que Chorus (41) consacrait à Allain Leprest, j’écrivais : « Si la leprestmania ne déferle pas encore, c’est par surdité et aveuglement manifestes des médias ». Une superbe session de rattrapage leur est offerte avec la sortie de Chez Leprest, disque d’exception, hommage d’artistes d’une diversité étonnante à un prince populaire du verbe, un « ouvrier du rêve », comme disait Nougaro qui l’adorait.

ChezLeprest.jpg

La réussite tient ici à une alchimie d’apparence simple, mais rarement réalisée : mettre en valeur les mots  sans sacrifier la musique. Romain Didier, il est vrai, connaît son Leprest par cœur. Sans frime, son piano et ses arrangements font merveille, s’inscrivent dans le temps du classique, de l’inaltérable. Du coup, la voix si personnelle d’Olivia Ruiz mord formidablement le silence avec cette goûteuse incongruité, Tout c’qu’est dégueulasse (
« a un joli nom »), Daniel Lavoie tutoie l’émotion d’un lapidaire Nu, Jacques Higelin se remémore La Courneuve avec une intensité sobre exemplaire, Loïc Lantoine incarne impec le Mec de son pote Allain... et tout s’enclenche à l’avenant durant seize chansons, de Sanseverino au duo de l’auteur avec sa fille Fantine (Une valse pour rien), en passant par Mon côté punk, Michel Fugain, Nilda Fernandez, Hervé Vilard (belle surprise), Agnès Bihl, Jean Guidoni, Enzo Enzo, Jamait et Jehan. Fille, épouse, ami(e)s, tout le monde craque sur cet album produit et réalisé par Didier Pascalis de Tacet (distribution : L’Autre Distribution), déjà à l’œuvre avec Véronique Rivière, et bien sûr les précédents disques d’Allain Leprest et Romain Didier.

3-Voutes-Leprest.jpg
Hervé Vilard, Romain Didier et Allain Leprest, Fantine Leprest
(photos : Jean-Manuel Vignau)

Mercredi 5, lors d’une soirée de lancement de l'album aux Voûtes Saint-Honoré (une jolie cave parisienne qui accueille régulièrement de la chanson à découvrir), l’émotion était palpable. Autour d’Allain, beaucoup des artistes précités étaient là. D’autres aussi. De façon impromptue, accompagnés par l’incollable Romain Didier, certains ont chanté et des larmes ont fleuri, sur scène comme dans l’assistance. C’était Noël avant l’heure. Ce genre de moment de grâce qu’on n’oublie pas dans une vie. A ceci près, qu’encore une fois, hormis une douzaine de journalistes, il n’y avait pas grand monde des médias et personne de la télé. Tant pis, il leur reste l’essentiel, l’album à écouter et à diffuser. On peut toujours espérer...
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5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 16:09
« Les chemins défendus / Peuvent mener à Rome » chante Enrico Macias dans Constantine, ville d'Algérie où ces chemins ne l’auront pas emmené aux côtés de not’ bon Président VRP, ce grand ami d’un autre chanteur aux couplets sardoniques comme Le temps des colonies, co-signé avec Pierre Delanoë en 1976. A trop cultiver le double langage (les colonies c’était pas du joli-joli, mais pas question qu’on s’excuse), notre Zorro de Neuilly, notre divin sauveur (« salvador » en espagnol, nom d’un néo sarko-converti en préretraite) trouve d’ailleurs grâce aujourd’hui auprès des colons bien et autres FARCeurs pas drôles...

origines8.jpg

Loin de la com sarkozienne et des accommodements commerciaux d’État (variante politicienne des « grands principes » et des « grands sentiments » de Guy Béart), prenez le temps d’écouter un disque formidable interprété par Mouss et Hakim, récent tandem issu du groupe Zebda, et déjà très actif dans l’aventure citoyenne des Motivé-e-s. Intitulé Origines Contrôlées, Chansons de l’immigration algérienne (dans le droit fil du festival organisé chaque automne à Toulouse par le Tactikollectif), cet album regroupe treize titres émouvants et enlevés, d’esprit à la fois intime, familial et collectif ; treize petits moments d’histoire composés le soir après l’usine par des artistes travailleurs immigrés, et qui ont enchanté les cafés algériens de Paris dans les années 40 à 70. Que le nom de leurs auteurs vous soient familiers ou non (Slimane Azem, Mohamed Mazouni, Aït Menguellet, Matoub Lounès, Cheikh el Hasnaoui, Djamel Allam, Dahmane El Harrachi…), vous ne risquez que d’être emportés par la vitalité de cette musique et le rapport organique des trois langues qu’elle épouse : le kabyle, l’arabe et le français (disques Atmosphériques / distribution Wagram Music).
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4 décembre 2007 2 04 /12 /décembre /2007 09:50

Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot, couple historique ?

Cartechere1.gif

Il traverse un divorce, elle évoque la « précarité » de l’amour (comme celle de l’emploi !) ; il veut qu’on travaille plus, elle parle d’assouplir le code dudit travail... Bref, Juliette Gréco a bien raison de chanter : « Marions-les, Marions-les / Je crois qu’ils se ressemblent / Marions-les, marions-les / Ils seront très heureux ensemble » (Robert Nyel – Gaby Verlor). En ces temps de manifs diverses et variées, cette accointance entre le Président (de la République) et la Présidente (du MEDEF) recèle en fait de prémonitoires racines historiques. Alors que le ci-devant Nicolas 1er a fourgué au ministère de la Culture une versaillaise du Château, la chanson révolutionnaire le rattrape déjà. En 1885, Eugène Pottier (l’auteur de l’Internationale) signait en effet l’une de ses plus belles chansons communardes, Elle n’est pas morte, avec le fameux « Tout ça n’empêche pas / Nicolas / Qu’la Commune n’est pas morte ! » Ce texte est alors écrit sur un air à la mode, T’en fais pas Nicolas, signé... Parizot. Même à une consonne près, ça ne s’invente pas : « Le Destin ! Tu peux pas lutter contre... » (Neuilly blues, Gilbert Laffaille)

Rappelons qu’en 1865, une poignée d’années avant la Commune, on ne connaît pas le karcher et aucun homme politique n’emploie le mot « racaille », mais l’auteur Alexis Bouvier et le compositeur-interprète Joseph Darcier créent une des chansons choc de l’année, La Canaille, qui après avoir souligné la misère croissante du peuple, conclut chacun de ses couplets par ce cri : « C’est la canaille ! / Et bien j’en suis ! ». CQTC

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24 octobre 2007 3 24 /10 /octobre /2007 22:52
Plusieurs  idées m'ont bien sûr traversé l'esprit pour donner un titre à ce blog. Comme j'ignore encore ce qui le nourrira précisément sinon ma passion pour la chanson et ses chemins de traverse, j'ai trouvé opportun d'utiliser celui d'un article que j'ai publié en mars dernier dans la revue Chorus, en pleine période électorale.

Depuis longtemps, la propension d'hommes politiques ou de journalistes réputés sérieux (pas plus tard que la semaine dernière, un article du Canard Enchaîné - journal que je lis très souvent avec gourmandise - ne s'intitulait-il pas "La chansonnette de Galouzeau" ?) à manier à tort et à travers cette expression m'irritent un tantinet. Qu'on le veuille ou non, cette banalisation traduit le mépris d'un art populaire et induit des comportements, des choix, des politiques et surtout une "non politique durable" d'abandon au marché, toutes étiquettes politiques confondues. Ce qui n'empêche pas les candidats et candidates de solliciter sans vergogne les chanteurs (les stars, of course) a priori de leur bord à la veille du verdict des électeurs, qu'on s'appelle Ségolène, Nicolas ou même pire. Nous y reviendrons...

En conclusion de cette brève mise en jambes (pour filer la métaphore présidentielle), je ne vois rien de mieux que ces quelques "mots terribles" de l'ami François Béranger (il nous a quitté le 14 octobre 2003) déjà utilisés dans  l'article évoqué et extraits d'un formidable "Béranger par lui-même", publié dans le numéro 46 de Chorus, en décembre 2003 :
"Il y a cette femme, en Somalie, berçant son enfant, squelettique, qui va mourir de la connerie des hommes... Et elle lui chante une chanson ! Tout finit par des chansons."

Notes (musicales) :
longboxBeranger.jpgFrançois Béranger a sorti deux ultimes albums remarquables : l'un de chansons personnelles, Profiter du temps (en 2002), l'autres de reprises de Félix Leclerc, qu'il avait tant aimé et "imité" à ses débuts, 19 chansons de Félix chantées par Béranger (en 2003). Et pour ceux qui voudraient s'offrir un beau "rattrapage", un long box réunissant 3 CD et un DVD est paru à l'automne 2004 : Le vrai changement, c'est quand ? Le tout chez Futur Acoustic.
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