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  • : Chansons que tout cela... (CQTC)
  • : Au cœur et autour de la chanson francophone, encore si méprisée des gens de pouvoir et de médias, alors qu'elle est vivante comme jamais au quotidien et dans l'Histoire en marche...
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  • Daniel Pantchenko
  • Journaliste, surtout au trimestriel Chorus. Auteur de biographies : Charles Aznavour en 2006 (avec Marc Robine), Jean Ferrat en 2010, Anne Sylvestre en 2012, Serge Reggiani en 2014. « Léo Ferré sur le Boulevard du Crime » en 2016. Intervenant sur la chanson : formation, stage, conférences, rencontres-débats...
  • Journaliste, surtout au trimestriel Chorus. Auteur de biographies : Charles Aznavour en 2006 (avec Marc Robine), Jean Ferrat en 2010, Anne Sylvestre en 2012, Serge Reggiani en 2014. « Léo Ferré sur le Boulevard du Crime » en 2016. Intervenant sur la chanson : formation, stage, conférences, rencontres-débats...

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27 juin 2021 7 27 /06 /juin /2021 17:27

Le 13 novembre 2015, Baptiste Chevreau faisait partie des victimes de l’attentat du Bataclan, lors du concert du groupe de hard rock américain Eagles Of Death Metal. La mère du jeune homme de 24 ans, Philomène Petitjean, lui dédie ce livre sensible à la fois émouvant et sans pathos. Fille cadette d’Anne Sylvestre, elle s’est inspirée d’une des chansons de celle-ci pour le titre, Si mon âme en partant… (ed. Triartis, 130 p., 15€).

Si ton âme en partant...

Dédié par Philo (c’est ainsi que l’appellent ses proches) à sa fille Clémence, à « Maman, à Papa (Anne et son second mari, le musicien Henri Droux) qui ont juste eu le temps de lire le manuscrit avant de nous quitter… », le récit conjugue en parallèle l’événement douloureux et la mémoire, les souvenirs divers, les jours heureux d’une vie trop courte, entre guitare, copains, amoureuse et kiosque à musique de Tonnerre (Yonne) où il aimait se réfugier.

 

Si ton âme en partant...

Le soir du vendredi 13 novembre, l’auteure est en train de jouer aux dés, chez sa mère à Paris, lorsqu’un coup de fil de son mari lui apprend que divers attentats viennent d’y avoir lieu, notamment dans une salle de spectacle. C’est l’incompréhension, le doute, l’angoisse, sans aucune nouvelle de Baptiste qui est allé au Bataclan. L’attente va être très longue, « insupportable » jusqu’au choc de la nouvellle, et il faudra tenir jusqu’au dimanche pour voir son corps à l’IML, l’Institut médico-légal. Et tenir encore jusqu’à la cérémonie funèbre le 26 novembre et le convoi jusqu’à Vézannes, en Bourgogne (photo ci-dessous, Gilles Soubeyran).

Si ton âme en partant...

En 1994, dans son album D’amour et de mots, Anne Sylvestre enregistrait Si mon âme en partant, l’une de ses plus belles chansons (et il y en a !) qu’elle avoue alors avoir mis plusieurs années à écrire : « C’est une sorte d’inventaire testamentaire de tout ce qui compte pour moi… C’est la première fois que je parle de la mort, mais je n’y pense pas de manière tragique ! »* À preuve, elle y évoque « les étendues de colza jaune d’or / Que Clémence à trois ans saluait au passage » et « Le rire de Baptiste éclaboussant le ciel ». Le 28 octobre 2017, Le kiosque Baptiste Chevreau était officiellement inauguré à Tonnerre, suite à la formidable collecte lancée pour la restauration et la rénovation de l'ouvrage historique par l’association Le Kiosque à Baptiste créée par sa famille. CQTC.

* À François Cohendy, Le Progrès, 3 décembre 1994.

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8 septembre 2020 2 08 /09 /septembre /2020 16:43

Sous ce titre est paru fin 2019 un livre de Pauline Paris et de Léa Lootgieter, la première se définissant essentiellement comme « autrice-compositrice-interprète* » et la seconde comme « journaliste culturelle* », toutes deux très impliquées aux plans artistique, informatif et associatif en matière de droits des personnes LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles ou Trans). L’ouvrage est illustré par la dessinatrice Julie Feydel et publié aux Éditions iXe (218 p., 20€).

Les dessous lesbiens de la chanson

Soigneusement documentée et sourcée, cette exploration des non-dits, des non-perçus lesbiens du couplet-refrain bénéficie d’une préface de neuf pages, signée par Élisabeth Lebovici, une historienne de l’art spécialiste des questions de genre et Catherine Gonnard, ex rédac-cheffe de Lesbia Magazine. Pour Pauline Paris et Léa Lootgieter, ce survol d’un siècle de chansons « devrait permettre de […] découvrir » toute une culture chansonnière « dans sa diversité, avec ses plages de tendresse et de mélancolie, ses zones d’ombre et de secret, ses labyrinthes ou l’érotisme croise des désirs et des plaisirs déclinés au féminin pluriel ». Ainsi décident-elles d’ouvrir le bal avec Betty Mars dans La Chanteuse du dancing (1973), sur un texte de Jean-Loup Dabadie dont il ne partage pourtant pas l’analyse, quant à « la séduction et au désir d’une femme envers une autre ». Bref, il réfute « l’allusion » et « refuse le fantasme »… ce qui les motive in fine pour intégrer la chanson. La voici. À vous de voir…

Ces « dessous » comportent quatre parties de dix chansons chacune, toutes époques confondues. Ainsi, la première – qui débute donc avec la Betty Mars de 1973 – s’intitule Quand le portrait devient miroir… et invite à (re)découvrir aussi bien Elvire (Brigitte Fontaine, 2006) et Jimy (Aloïse Sauvage, 2019) que Gentil roi Louis de Bavière (Nicole Louvier, 1962) et Les Pingouins (Juliette Gréco, 1970). Pour la deuxième partie, Quand les amours interdites tombent le masque…, on passe de Maman a tort (Mylène Farmer, 1984) et Naturellement (Dorothée, 1990) à Petit velours (Anne Sylvestre, 2000) et De la main gauche (Danielle Messia, 1982). La troisième, Quand le genre s’emmêle…, débute avec Ouvre (Suzy Solidor, 1933) et s’achève avec J’ai tout aimé de toi (Carmen Maria Vega, 2018), mais on y découvre notamment Joe le taxi (Vanessa Paradis, 1987) qui n’est pas pour rien dans l’existence de l’ouvrage. Enfin, avec Quand la solitude ouvre la porte de l’indépendance…  va de La  Marcheuse (Chris**, 2018) à Sur la route de ma vie (Sœur sourire, vers 1965) en passant par Comme un ouragan (Stéphanie de Monaco, 1986) ou Cavalier Seule (Julie Armanet, 2016).

Pour ce travail pointu et agréable à lire, avec lequel cependant on peut ici et là (comme Jean-Loup Dabadie ?) éprouver certaines réserves, Pauline Paris et Léa Lootgieter ont interviewé 41 personnes (parfois par écrit, comme cela a été mon cas à propos d’Anne Sylvestre) et elles ont sollicité la journaliste Hélène Hazéra (ex Chanson Boum ! sur France Culture) pour la postface en forme de conseil : « Lisez bonne gens, ce soir, le chanteur, c’est une femme. » CQTC.

* Selon leurs propos recueillis par David Desreumaux dans le trimestriel Hexagone n°16 (paru en juillet 2020), qui consacre un dossier de quelque 40 pages à Cette chanson qui dégenre…  enrichi de quelques témoignages d’artistes (Nicolas Bacchus, Clément Bertrand, Samuele, Patachtouille et Monsieur K.).

** Redevenue Christine and the Queens.

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19 mai 2020 2 19 /05 /mai /2020 16:08

Décédé en septembre 2015 à 85 ans, quelques mois après un ultime concert à l’Olympia, Guy Béart reste aujourd’hui très méconnu. Marqué à jamais par le succès de L’Eau vive (1958), ringardisé aux yeux d’une partie du public par son algarade télévisuelle de décembre 1986 avec Serge Gainsbourg, il a pourtant écrit une flopée de superbes chansons françaises, mélodies comprises.  Michel Trihoreau, l’un de mes camarades de la défunte revue trimestrielle Chorus, lui a consacré récemment un ouvrage qui interroge : Guy Béart – Révolutionnaire ou prophète ? (Édition Le Bord de l’eau, Collection Le Miroir aux chansons dirigée par Jean-Paul Liégeois et Salvador Juan, novembre 2019).

 

 

Pour mémoire, l’ingénieur des Ponts et Chaussées devenu chanteur a enregistré (hors compilations) une vingtaine d’albums jusqu’en 1995, puis un dernier en 2010, Le Meilleur des choses. Dès son premier 25 cm – juste avant L’Eau vive – plusieurs chansons l’avaient fait remarquer, dont Qu’on est bien, Chandernagor et Bal chez Temporel, celle-ci lui inspirant en 1963 le nom de sa propre maison d’édition. Outre ses reprises des « très vieilles chansons de France » comme Vive la rose,  il y eut ensuite Grenade (1960), Il n’y a plus d’après (1963), Qui suis-je ?, Les Souliers et Les Grands Principes (1965), La Vérité, Couleurs, Rotatives et Le Grand Chambardement (1968), L’Espérance folle (1971), Les Couleurs du temps (1973), Demain je recommence, 1986… et de 1966 à 1970, il a produit et animé 66 numéros de  l'émission TV Bienvenue. Un grand chambardement, à sa manière...

Le livre de Michel Trihoreau comporte huit parties aux titres éloquents (Le grand chambardement - bien sûr -, L’héritage d’Épicure, La vérité et l’imagination, Bipolarité politique, L’espérance folle, Les grands enjeux en marche, Et qu’on soit intelligents, Osons), elles-mêmes subdivisées en trois à cinq chapitres de quelques pages, dans l’esprit de la première partie précitée : Le vieux monde, Le bordel permanent, Intuitions et bureaucratie, L’ordre et la sécurité, Aphorismes et slogans). Si une certaine synthèse aurait peut-être été utile, l’essentiel demeure l’éclairage pointu, l’invitation à la (re)découverte d’une œuvre. Guy Béart « a, dans ses chansons, fait passer des messages, toujours à contre-courant de la pensée commune » écrit Trihoreau. Sa vérité, en fait...

Le situant au niveau des « plus grands », il ajoute : « Guy Béart est peut-être l’un des derniers “révolutionnaires de la chanson”, plus impliqué que Brassens dans la société, plus mesuré que Ferré dans ses élans.../… Qu’importent les comparaisons ! Leurs chansons ont en commun l’éveil qu’elles suscitent dans les consciences. C’est en cela qu’elles sont révolutionnaires… » Et dans la conclusion qu’il a intitulé « La Révolution en marche », il précise : « Guy Béart n’est pas le génie universel, mais il a su trouver par son imagination, son sens pratique et le recul nécessaire, sinon les bonnes réponses, au moins les bonnes questions qui peuvent nous aider dans notre marche vers un peu plus d’humanité. » À commencer par la première. En « Je ». CQTC.

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13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 14:46

S’ils nous ont quittés un peu trop tôt (surtout le premier, une semaine après ses 60 ans), Brassens et Nougaro n’ont pas fini de nous enchanter, chacun à sa manière. Sète, Toulouse, ces enfants du Sud sont d’abord des hommes du monde, des esprits universels qui n’ont jamais gardé leur langue dans leur poche. Parus à l’automne 2019 sous la direction éditoriale de Jean-Paul Liégeois, ces deux livres réunissent différents propos des deux artistes, autant d’espaces de liberté, de pages gravement légères qu’on prend plaisir à feuilleter au gré de ses envies.

 

Cette nouvelle édition augmentée de Les chemins qui ne mènent pas à Rome de 2008 est établie et présentée par Liégeois lui-même (Georges Brassens, Je suis une espèce de libertaire – Brassens par lui-même - Le cherche midi). Dans l’avant-propos intitulé « Celui qui n’en pense pas moins », il rappelle quelques lieux communs ressassés à propos de Brassens et il écrit : « On comprend que la complexité du personnage et la richesse consécutive de ses œuvres ont dérangé et dérangent encore certains : ceux-là mêmes à qui Brassens a toujours aimé déplaire… On comprend moins que l’énergumène en question en gêne d’autres qui se sont autoproclamés ses laudateurs impénitents ou se prétendent “ses amis de toujours” : ceux-ci, sous couvert d’embaumement, n’ont eu de cesse de le banaliser pour mieux le priver de ses aspérités et de son authenticité… Peine perdue ! Georges Brassens n’a jamais été et ne sera jamais un simple artiste de variétés, jamais un chanteur ordinaire interchangeable avec un autre. » Soulignant, que Brassens avait selon ses propres mots « une éthique », Jean-Paul Liégeois nous propose près de 150 pages de citations souvent très courtes et classées en dix chapitres : « Moi, Georges Brassens – Être ou avoir ? – Rêver – Résister – Croire ou ne pas croire ? – Aimer – Gamberger – Lire, écrire – Chanter – Mourir. »

Cela commence au poil par « Si je n’avais pas de moustaches, je passerais inaperçu. » et jusqu’à la demande du chanteur d’être enterré sur la plage de Sète (avec un extrait de La Supplique), on découvre – ou retrouve – entre autres : « Je suis un vieux chat solitaire. », « Ce qui existe vraiment, c’est ce qu’on a à l’intérieur. Tout le reste est du vent. », « J’ai failli devenir communiste, j’étais fait pour ça. », « Vous me voyez en Rolls ? J’aurais l’air de quoi ? », « Si vous essayez de persuader un chat ou un chien que Dieu existe, il ne vous écoute pas… », « Ma vie privée ne regarde personne, même pas moi. », « La seule chose dont je sois sûr, c’est de mon ignorance. » Et deux petites dernières, très signifiantes sous leur modestie formelle : « Ceux qui disent que mes musiques sont toujours les mêmes… sont des connards. » et « On n’écrit pas une chanson pour être entendu, on l’écrit pour être réentendu. »

 


À la différence de son aîné, Claude Nougaro se veut poète. Et musicien. Accompagné de dessins et eaux fortes de Daniel Estrade, l’ouvrage conçu par Laurent Balandras s’intitule Claude Nougaro – Amant des mots (Le Castor Astral) et avoisine à son tour les 150 pages. Dans son introduction, Un recueil sauvage de la langue nougarienne, l’auteur souligne d’entrée de jeu : « Enfant des années 1930, époque où l’on soignait son langage, il a été éduqué par la lecture des classiques du XIXe siècle avec Charles Baudelaire et Victor Hugo pour chefs de file ; il a également été abreuvé par la poésie d’Arthur Rimbaud, de celle de Jean Cocteau et de Jacques Adiberti. De tout cela il a fait son miel pour s’inventer son propre lexique. » Évoquant en particulier l’importance du jazz et l’accent du Sud-Ouest, il conclut : « L’une après l’autre, les formules ici choisies et rassemblées racontent l’homme, le créateur, le philosophe à sa manière. Définitives, elles ne sont pas exemptes de contradictions, notamment quand surgissent des questionnements existentiels. Claude Nougaro s’y révèle avec la faconde qui est la marque si caractéristique de ses chansons. »

Pour être « sauvage », ce recueil comporte pas moins de 15 chapitres, titres de chansons explicités,  de « L’enfant phare / L’enfance » jusqu’à « Tu verras / Etc. », en passant par – entre autres – « Vive l’Alexandrin ! / Les mots », « Le Jazz et la Java / La musique », « Le Cycle Amen / La foi », « Dansez sur moi ! / La scène, le public », « Les Craquantes / La femme », « Toulouse / La ville rose ». Ainsi l’homme à la plume d’ange nous confie-t-il* : « Chanter, c’est retrouver ma propre enfance. C’est me créer moi-même. », « Les mots m’incarcèrent et la musique me délivre. », « Ce qui swingue, c’est ce qui fait balancer l’âme et non pas le cul. », « J’adore Dieu et les maîtres, c’est pour ça que je ne suis pas anar. », « Un homme qui n’aurait pas de part de féminité, c’est un homme qui n’aurait rien à me dire. », « À Paris, on m’appelle Toulouse ; à Toulouse, on m’appelle Nougayork. » Et, une dernière qui offre une jolie transition/conclusion à cet article : « Quand on parle d’arbre, immédiatement, le chêne Brassens pousse. » CQTC.

 

* Les citations de Nougaro sont souvent plus longues que celles de Brassens, mais cet article vise à donner envie de découvrir en déflorant a minima.

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29 décembre 2019 7 29 /12 /décembre /2019 19:16

Trois décennies pile poil après Tango chevalin, Jean le Landais a toujours l’âme animalière. Après le singe, le caméléon, le coq à l’âne, les mouches (avec ou sans accent) et les pachydermes, il publie son septième album, L’oiseau des Premières Fois. Seize + une chanson(s) + une vidéo du spectacle, le tout dans « une pochette en tissus. Imprimée avec des encres naturelles… »

Rassurez-vous « chers trésors », un livret précise d’emblée « comment cela s’est déroulé », avant d’offrir les textes des chansons, illustrées de dessins en noir et blanc (Marianne Mouchès) et de quelques photos couleurs du live (Mathieu Gervaise) qui montrent le chanteur-guitariste en compagnie de son épatante complice, la violoniste Xi Liu. Tout est bon chez lui, y’a toujours rien à jeter, pourrait-on oser, à la manière du père Brassens qui reste une de ses boussoles natives ; il le cite d’ailleurs dans J’aimerais t’écrire une chanson, avant d’évoquer quelques autres inspirants : Higelin, Gainsbourg, Ferrat/Aragon, Dylan, Cohen… De Belle aventure à Nous irons (« Version Pomme » assortie en bonus d’une « Version Mandarine »  avec des élèves de CM2 de l’école de Pontenx-Les-Forges), c’est la vie humaine qu’il nous donne à entendre, à la fois mélodique et terrible, à l’image migratoire de ces « dix, vingt, cent, mille, cent mille / Millions » de « Frères exilés » de Frêle exilé. Mais pour ne pas nous désespérer, l’historico-loustic de La Ballade du Néandertal (pépite de 1996) conjugue alors rythme et onomatopées improbables pour une « histoire édifiante » de Mariachi quantique.

Avec son accent léger et sa voix douce capable d’étonnantes envolées ponctuées de séquences parlées-chantées, Jean Mouchès alterne naturellement quotidien et fantastique, qu’il s’agisse de la famille (Soleil dans l’œil), de ses émois naissants de cœur à corps ou de guitare (L’Oiseau des premières fois, Le Tambour à cordes) ou d’ostracisme idéoligico-religieux (Petit chimiste). Comme d’hab, il ne manque ni d’humour expéditif (Les Rois Louis), ni de « grand débordement » perceptible dès  le titre (La Fabuleuse Épopée de Guycham Chyrcham). Enregistré en 2018 au prestigieux Studio du Manoir de Léon « en plusieurs petites sessions glissées dans les interstices laissés par les grosses productions » (lui c’est Canicule Productions de Roger Goupil), ce nouvel album existe comme indiqué sur scène, mais dans un ordre des chansons sensiblement différent. Bref « chers trésors », la balle est entre vos mains. CQTC.

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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 11:23

Exit sa mise en « ouate » des années 1980. Aujourd’hui, c’est la Loeb, « artiste pluridisciplinaire » selon ses propres mots, qui « ne cesse d’être là où on ne l’attend pas », chanson, théâtre, écriture, mise en scène… désormais en égérie – donc pas triste – de Françoise Sagan. De son côté, après Cabiac sur terre (2011), le Belgegardois Jofroi a livré fin 2018 un nouvel enregistrement plus habité que jamais et poursuit de concert ses pérégrinations scéniques.
 


L’album de la chanteuse-comédienne nous cueille en mélancolique douceur par cette phrase « boomerang » empruntée à sa muse : « On ne sait jamais ce que le passé nous réserve. » Après George Sand, elle lui a inspiré, le spectacle Françoise par Sagan*, il y a déjà trois ans. Ici, en douze séquences puzzlistiques, elle décline sa « petite musique » d’inclassable bourgeoise gravement futile, entre sentiments d’urgence, « belles demeures », « voitures élégantes », « manifestes » passés trop inaperçus et griseries existentielles diverses. Outre la reprise d’une de ses chansons, Sans vous aimer (musique de Michel Magne), créée en 1956 par Juliette Gréco, Caroline Loeb dit Maisons louées et Bonjour New York, deux textes en prose de Sagan, sur touches pianistiques rythmées et dense tension de cuivres/cordes.

 

 

De sa voix de plume, elle interprète nature les neuf autres titres écrits en compagnie d’une flopée d’auteurs ou compositeurs (Pierre Grillet, Benjamin Siksou, Pascal Mary, Thierry Illouz, Wladimir Anselme, Pierre Notte) dont encore l’indispensable Jean-Louis Piérot, qui a réalisé/mixé l’ensemble et arrangé la plupart des chansons avec une solide équipe instrumentale. Le chat, lui, s’appelle Borisse, et de maux en mots, on notera que bien connue au Casino de Deauville, la décoiffante Françoise Sagan délivre l’anagramme Sa frange Casino.

 

 

Jofroi a une âme de paysan mondialiste. Chez lui, la proximité vitale des rapports humains renvoie au voyage planétaire physique et mental. Un peu comme le cavalier d’Atahualpa Yupanqui conjugue inconsciemment l’intimisme et l’universel en traversant la pampa argentine. Dès la pochette de ce douzième opus « pour adultes » (il en a dédié neuf aux enfants), il note : « Le monde est à notre porte. Et ce sont l’esprit et le cœur qui sont bien petits, devant l’inconnu aux mains nues, devant l’étranger, tant de fois pillé, qui arrive les mains vides, cherchant le réconfort. » Il y confie que c’est « dans la maison des esclaves, sur l’île de Gorée, au large de Dakar » qu’il a lu « noir ou blanc, toutes les larmes sont salées », phrase-clé de la chanson éponyme de son album, Habiter la terre, lui-même inspiré du livre de 2017 de Christiane Taubira**.
 


Sur le métier, le bonhomme est un artisan. Des mots comme des mélodies. Jamais clinquantes, volontiers rythmées, celles-ci véhiculent des histoires de pays (La Ferme à Gaston), de perceptions saisonnières (Un Petit Air, Chronique du printemps) et surtout d’amour au quotidien sensible (du Pique-nique en couple à ses Petites Filles bien grandies, jusqu’au vide issu de proches disparus façon Y’a personne ou Chanson pour Marilyne). Après un texte dit, comme toujours sans effets d’outre manche (L’Homme qui voulait peindre la mer), Jofroi conclut l’ensemble par une reprise de son ami Julos Beaucarne (Le Petit Royaume), extrait de l’album Ils chantent Julos de 2008. Aux arrangements et à la direction musicale, sa fidèle complice Line Adam fait une fois de plus merveille. CQTC.

 

Notes

* Spectacle mis en scène par Alex Lutz et nommé aux Molières 2018 du meilleur « Seul en scène ». Album Comme Sagan (L’autre distribution). Reprise créative, Bye-Bye tristesse, en juillet 2019 au Théâtre La Luna d'Avignon.

** Nous habitons la terre, édition Philippe Rey. Album Habiter la terre (Production du Soleil / Distribution EPM-SOCADISC).

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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 10:40

Il y a cinq ans, le journaliste Fred Hidalgo (créateur du magazine Paroles et Musique, puis de la revue Chorus disparue en 2009) publiait Jacques Brel – L’aventure commence à l’aurore (ici), sur les dernières années du chanteur, aux Marquises. Pour les quarante ans de sa mort, une édition revue et augmentée est sortie en septembre sous un nouveau titre : Le voyage au bout de la vie. De son côté, Anne Sylvestre fait carrément coup double : la parution en deux CD de la captation de son spectacle Gémeaux croisés de 1988 avec Pauline Julien et l’édition « collector » de son livre de 2014 Coquelicot et autres mots que j’aime (), textes inédits en prime.

 

 

Entre Prologue et Épilogue, la nouvelle version de l’ouvrage très documenté de Fred Hidalgo compte désormais quatre-vingt pages de plus, un cahier-photo enrichi et 28 chapitres au lieu de 23. Deux d'entre eux sont véritablement nouveaux et précisent l’impact de chansons comme Ballade à Sylvie de Leny Escudero (qui  incompréhension totale à la clé, provoqua la colère voire la haine de Brel à son égard) ou la genèse de La Chanson des vieux amants ; les trois autres chapitres ont été scindés en deux, avec ici et là des ajouts et des précisions. Fred Hidalgo a également fait précéder l’ensemble d’un Avertissement de trois pages, dans lequel il précise : « Jacques Brel m’a toujours fasciné. Par ses chansons et sa présence scénique, évidemment, par son charisme, mais aussi et peut-être par sa philosophie. – ce que j’appelle plus loin son “principe d’imprudence”. Jamais pour autant je n’aurais imaginé lui consacrer un livre après tout ce qui avait été publié à son sujet…» C’est pourtant l’impérieux besoin qu’il a ressenti en 2013 après son voyage aux Marquises et l’apport des multiples témoignages de proches du Grand Jacques. Et comme il a continué à « recueillir des confidences, à compiler des documents, à accumuler des anecdotes », il lui est apparu « impossible d’en rester à ce qui s’apparentait chaque fois davantage […] à la première mouture d’un ouvrage encore à naître. » Parole tenue.

 

 

Il y a trente ans, cette fois, le 13 mars 1988 très précisément, Anne Sylvestre et son amie Pauline Julien enregistraient Gémeaux croisées au Théâtre d’Hérouville, près de Caen. Au cours de ce spectacle conçu et finalisé avec Denise Boucher (Québécoise comme Pauline), dans une mise en scène de Viviane Théophilidès et des orchestrations de François Rauber, quarante-trois chansons et textes étaient au programme. Puisant surtout dans le répertoire de l’une et de l’autre, Anne et Pauline s’y exprimaient en solo et en duo, ménageant des respirations à coups de dialogues et monologues empreints d’humour et de poésie. Aujourd’hui, de Rien qu’une fois faire des vagues à Une sorcière comme les autres, on retrouve ainsi L’Enfant qui pleure, Lâchez-moi, Les Blondes, La Faute à Ève ou Comme Higelin côté Sylvestre et La Chanson de Barbara (Bertold Brecht / Kurt Weil), Je voudrais partir (Brigitte Fontaine), Suzanne (Leonard Cohen/Gilbert Langevin) ou Non tu n’as pas de nom (d’Anne, bien sûr) côté Julien. En guise de préface, le double CD reprend un texte du chanteur wallon Julos Beaucarne alors enthousiasmé par les deux chanteuses : « Elles ont le mot chevillé au cœur. Elles ont l’élégance de la langue française dans ses raffinements, ses nuances, ses subtilités. […] Elles ont l’émotion à fleur de leur chair de femme. Elles nous font rire et pleurer, elles nous font gagner du temps, elles nous font cadeau de l’expérience de leurs deux vies en l’espace de trois heures. » Vrai, un cadeau, et intemporel, à saisir avec reconnaissance.

 

 

En 2014, sous l’amicale pression de l’écrivain Philippe Delerm, la même Anne Sylvestre se livrait à un exercice inédit pour elle : l’écriture d’un livre. Dans Le goût des mots, la collection dirigée par Delerm, elle publiait Coquelicot et autres mots que j’aime, entre inventaire personnel et parcours littéraire sensible à travers quatre-vingt-une définitions, de « Coquelicot » à « Mot », via « Escalier », « Édredon », « Alsace » ou « Grenouille ». Le 8 novembre est parue une édition « collector », cartonnée (avec les lettres de COQUELICOT découpées au laser) et enrichie de dix nouveaux textes. Dix nouveaux mots ou expressions, dont « S’enticher », « Trois otaries », « Crédule » (qui commence par « Crédule crédule / entre crédence et pendule / entre silences et scrupules / j’ondule »), « Sous-fifre »… jusqu’à « Amour », pudiquement expéditif au possible. C’est du pur Anne Sylvestre comme on aime, à feuilleter le sourire aux yeux et l’âme vagabonde. CQTC.
 

Notes

Jacques Brel – Le voyage au bout de la vie, Fred Hidalgo, Éditions l’Archipel, 464 pages, 24 €.
Gémeaux croisées, Anne Sylvestre – Pauline Julien, EPM, album 2 CD, 17 €.

Coquelicot et autres mots que j’aime, Anne Sylvestre, Éditions Points, Collector à tirage limité, 224 pages, 11,90 €.

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23 octobre 2018 2 23 /10 /octobre /2018 14:19

En 2006, journaliste à la revue trimestrielle Chorus, je publiais un premier livre, une biographie de Charles Aznavour qu'avait amorcée mon camarade Marc Robine, décédé brutalement d'un cancer en août 2003. Outre une grosse centaine de pages en partie finalisées, il avait trouvé un titre précieux que j'ai, bien entendu, conservé. La photo de couverture, comme plusieurs autres de l'ouvrage, était signée de l'ami Francis Vernhet.
 


Malgré le soin apporté par chaque membre de l'équipe, tout ouvrage de ce genre nécessite de nombreuses corrections d'ordres divers. Après le décès de Charles Aznavour, l'éditeur a décidé de publier le 31 octobre prochain une version de cette biographie « revue et corrigée », assortie d'une nouvelle couverture. Augmentée d'une dizaine de pages, elle en comportera environ 630, au prix de 24€. Délais de fabrication et de mise en place oblige, une édition avec mise à jour définitive aura lieu à une date encore indéterminée.

 

 

Cela étant, quelques jours avant le décès de Charles Aznavour, je lui avais fait demander deux précisions au sujet d'un autre livre que je viens de terminer. Il s'agit cette fois d'un ouvrage autour de ses chansons « faits de société ». Intéressé par la démarche, il m'avait accordé en mars-avril 2017 quelque deux heures et demie d'entretiens, l'un dans sa maison de Mouriès, l'autre dans son bureau des Éditions Raoul-Breton à Paris. Mais ceci est une autre histoire. À suivre et à bientôt, donc... CQTC.

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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 11:31

Le vendredi 6 juillet 2012, j’ai rendez-vous chez Jacques Higelin, pour un témoignage sur Anne Sylvestre. J’écris une biographie d'elle dont la parution est prévue à l’automne. Pour rafraîchir un peu la mémoire de mon interlocuteur qui avoue l'avoir un peu perdue de vue, j’ai apporté un CD en public, Anne Sylvestre, Olympia 1986, dans lequel figure Comme Higelin, enregistré l’année précédente par la chanteuse dans l’album Écrire pour ne pas mourir (photo d'Irmeli Jung).

 


La chanson est la neuvième de l’album, je situe brièvement la place de celui-ci dans la carrière d’Anne et je propose à Jacques d’écouter Comme Higelin. « Ah non ! » me répond-il, « On va écouter tout l’album ! » Et c’est parti ! Il y a 22 titres ? Pas de problème. À plusieurs reprises, le téléphone nous interrompt, mais bon, quelle importance ! Jacques vit cet enregistrement de l’Olympia, comme s’il y était. Il commente, il est ému, il rit. Et à l’issue du dernier titre, il me lance : « T’as son téléphone ? Il faut que je l’appelle ! » C’est génial ! En 35 ans de journalisme, de centaines d’interviews, je n’ai jamais vu un.e artiste écouter tout un disque ainsi devant moi. Et de surcroît, en me remerciant toutes les deux ou trois chansons ! Ce qui ne l’empêche pas de « rectifier » simplement l'emploi de certains mots qui ne lui conviennent pas, tel « métier »
 

 

Jacques Higelin à DP - 2'28
Je suis un peu troublé par ce disque...


Donc, avec toute sa fougue et son lyrisme, Jacques a téléphoné à Anne avant le début de notre entretien. Elle n’était pas là, il lui a laissé un message et le lendemain, elle me confie, un rien éberluée : « Heureusement ! J’aurais pas su quoi lui dire !... Et puis comme, ça, j’ai son message enregistré ! » Quand je lui raconte ses réactions, son enthousiasme à l’écoute de l’album et qu'il a applaudi après Une sorcière comme les autres, elle est vraiment touchée, émue. Comme Jacques le souligne lui-même, avec ces deux-là, on est vraiment loin, très loin du show-business…
 


Jacques Higelin à DP - 2'59
Tous les artistes doutent...


C’est J’aurais bien voulu (t’écrire une chanson d’amour et par les temps qui courent ce n’est pas chose commode), texte minimaliste assorti de la la la… sur l’iconoclaste 30 cm Higelin & Areski de 1969, qui a inspiré Comme Higelin à Anne Sylvestre.

 



 

À la suite de cette interview, Anne Sylvestre et Jacques Higelin sont allés s’applaudir réciproquement en spectacle. Ils se sont « retrouvés ». C’est l’une de mes grandes fiertés d’y avoir contribué, même si je ne l’avais absolument pas anticipé en travaillant sur cet ouvrage paru en octobre 2012. CQTC.
 

 

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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 11:09

Lorsque j’ai créé ce blog, il y a dix ans (et un jour), voici ce que j’écrivais :

 

« Plusieurs idées m'ont bien sûr traversé l'esprit pour donner un titre à ce blog. Comme j'ignore encore ce qui le nourrira précisément sinon ma passion pour la chanson et ses chemins de traverse, j'ai trouvé opportun d'utiliser celui d'un article que j'ai publié en mars dernier dans la revue Chorus, en pleine période électorale.

Depuis longtemps, la propension d'hommes politiques ou de journalistes réputés sérieux (pas plus tard que la semaine dernière, un article du Canard Enchaîné - journal que je lis très souvent avec gourmandise - ne s'intitulait-il pas "La chansonnette de Galouzeau*" ?) à manier à tort et à travers cette expression m'irritent un tantinet. Qu'on le veuille ou non, cette banalisation traduit le mépris d'un art populaire et induit des comportements, des choix, des politiques et surtout une "non politique durable" d'abandon au marché, toutes étiquettes politiques confondues. Ce qui n'empêche pas les candidats et candidates de solliciter sans vergogne les chanteurs (les stars, of course) a priori de leur bord à la veille du verdict des électeurs, qu'on s'appelle Ségolène, Nicolas ou même pire. Nous y reviendrons... »

 

J’y reviens certes beaucoup moins (à peine sept fois en 2016 et quatre cette année pour l’instant) depuis que je suis installé à Bordeaux, retraité amateur soucieux de prendre davantage Le Temps de vivre (salut Georges, le soixante-huitard) et de me consacrer à des choses plus personnelles, dont l’écriture de livres essentiellement autour de la chanson. À suivre donc, si ça vous chante, sans garantie de rythme ni de risques de grands écarts... CQTC.

 

 

* Dominique Galouzeau de Villepin, ex Premier ministre de Jacques Chirac, mis en examen le 27 juillet 2007 dans l’affaire Clearstream.

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